Publiée le par Vincent Meunier

Bonjour à tous,
j'espère que vous allez bien.
Beaucoup d'entre vous ne me connaissent sans doute pas. Je suis Vincent, le mari de Noelise. Je fais du trail depuis 2017, comme un ours dans mon coin jusqu'ici, je vous rejoins cette année en prenant ma licence 😉... et je viens de participer à l'ultra 160 du grp 2025.
La question que je me pose c'est comment? Comment vous retranscrire une aventure comme celle-ci? Comment trouver les mots pour décrire la souffrance, la beauté, la fatigue, l'euphorie, le doute, l'espoir... bref la course! Je vais essayer et j'espère ne pas être trop long pour vous.
En résumé, j'ai commencé ma prépa en janvier pour 8mois en distinguant 3 phases. (En me basant sur 8 à 10h semaine: 3 sorties / semaine + 2 vélo d'intérieur/semaine + 2 séances renfo/semaine):
Une 1ere phase jusqu'a Erquy (fin avril) pour me mettre en forme (fractionné et de plus en plus long)
une 2eme pour renforcer ma résistance, commencer le dénivelé jusqu'au trail d'Hautacam !(fin mai)
la 3eme pour augmenter les distances et surtout manger du D+/D-.
a partir de juillet, l'orga du GRP nous a proposé de participer à une étude sur la prépa mentale en trail. J'ai dit ok! Et ça a été la meilleure décision pour ma réussite. 4 semaines d'exercices sur la pleine conscience (PC) respiratoire et posturale, l'acceptation et la bienveillance vis à vis de soi même, ou encore la gestion de la douleur et des moments durs. Je l'ai pratiqué quasiment du début à la fin. (J'y reviendrai par la suite)
Aujourd'hui, je sais que mes choix étaient bons mais c'est tjs l'une des questions: est ce que j'en ai fait assez? 😊
Je suis arrivé sur la course en forme mais avec une pointe sur mon genou G (et merde!!!!) suffisante pour que je me dise "non pas maintenant!". Mon collègue m'a manipulé qqs fois dans la semaine ( et oui, les agents sncf ont des billets de train, nous on a des séances entre 2 patients 😁!) et ça a tenu! Une nuit précédant la course qui fut bien courte (4h de sommeil) en vous passant tout ce qui peut passer par la tête, réveil à 2h45. P'tit dej, vérif' du matériel et ENFIN, on se dirige vers le départ... 8mois que j'attends
Noelise me dépose et je sais qu'elle m'attend dans les premiers hectomètres, notre Loulou est dans les bras de Morphée et moi je me dirige vers l'inconnu! "Allez Vincent, allez Vincent..." à chaque fois que je vais entendre ça, ma chérie et Gabriel ne seront pas loin, avec tout le réconfort qui va avec ... c'est parti!
j'avais plutôt bien étudié le parcours et les 30 1er kms ne posent pas de problème. On rentre dans Néouvielle après le 1er ravito de Merlans (km 15)avec les pierres, et les nuages. Le terrain n'est pas simple mais les 1500 de D+ que l'on vient de faire se sont très bien passés (6 de moyenne) donc continuons sur notre lancer, Arrive le fameux mur de Serpolet, soit disant terrible, et c'est là que le hasard fait bien les choses pour nous: certes le brouillard nous empêche d'admirer les paysages, mais il nous empêche aussi de voir les sommets et de cogiter!! On avance, les uns derrières les autres sans réfléchir (jusqu'où ça grimpe?)et sans prise de tête, ce "terrible" tout droit simplement dessiné par le passage des coureurs à travers les pâtures, 400 D+, se finit au col de Bastanet, mer de nuages, 1er soleil de la journée et 1er Wahou!
Apres la descente vers La Mongie, un ravito et un bisou 😊, on attaque le col de Sencours, vraie 1ere difficulté pour moi. 1000 de D+ qui nous emmène au pied du pic du midi. Pleine Conscience Respiratoire (air qui rentre, air qui sort, posture et relâchement) et ça marche! Les quadri vont bien... ça fait mal mais c'est plus que tolérable et surtout j'avance, pas d'arrêt! C'est à partir de là que vont apparaître les signes de ce qui aura été "ma" difficulté: l'alimentation. La purée et soupe du ravito passent mais le ventre commence à se tendre! Alors allons-y, prépa mentale, gestion des moments durs et là encore ça fait du bien! Je commence à me dire que ces exercices vont me sauver. Mais on est qu'au km40!
Vous le savez sans doute mais c'est le changement de filière énergétique qui commence (l'équivalent du mur du 33eme sur un marathon). Je passe d'une filière glucidique (le corps consomme 1 pour produire 3 d'énergie) à une filière lipidique (1 pour 1) d'où le gros coup de mou... on tape dans le gras à partir de ce moment là (sauf pour le très haut niveau qui par son temps de course plus court et le gros apport glucidique ne passe pas par là). Ça dépend des trailers, mais mon manque d'apport me l'impose
La suite jusqu'à Hautacam est une répétition du col de Sencours mais avec moins de D+ ( 20 kms et 900 de D+). Le terrain est toujours aussi technique (single, pierres++).
"Attention au col de Bareilles ça glisse!" Nous dit-on. Pas loupé, dans la descente, digne de mon plus beau plongeon à la piscine d'Aigrefeuille! Au moins maintenant, plus besoin de passer délicatement les passages boueux 😁.
J'arrive à Hautacam (km 59)plus fatigué et surtout un peu plus brassé. Je passe Noelise et Gabriel en 1 min' sans trop me rendre compte (encore désolé ma chérie!). De la soupe? Dure mais il y a que ça qui me tente donc... je repars (avec un petit À/R à la tente du ravito, j'ai oublié mes bâtons! Ça commence à faire qqs signes!). La prochaine étape est la base de vie de Pierrefite, une dizaine de km, 1200 D-. C'est tjs difficile, les cuisses vont bien mais le ventre tjs bof. et la paf! je rends (désolé!). La libération, ça va bcp mieux!!! Je me rends compte qu'il ne va pas falloir trop charger cet estomac, trouver ce qui fait envie mais en petite quantité.C'est un autre tournant pour moi. Pour ne pas m'éterniser sur les explications des ravitos, toute la fin de course (c'est à dire les 100kms qui restaient après la base de vie) je les ai fait à la pastèque (+ qqs exceptions)... alors VIVE LA PASTÈQUE 😂
J'arrive donc à Pierrefite où Noelise et Gabriel m'attendent et surprise: Xavier et ses enfants sont là !! Encore merci Xavier, tu sais, ça m'a fait du bien de vous voir. Changement de tenue, d'ailleurs nouvelle paire de chaussure (apres Bareilles, je gagnais l'épreuve de la boue de Koh Lantah !), ce qui t'a surpris Xavier. Ça ne me tracassait pas, je cours tjs avec les mêmes chaussures, même modèle, même pointure et tjs sans pb! Pastèque donc et un p'tit somme (25 min'). Après 1h sur la base, j'attaque cette fameuse nuit qui nous fait tant réfléchir lors de la prépa! À nous deux! 16h de course, Je suis requinqué... fatigué mais prêt et déterminé !
Toujours dans les nuages, le col d'Estaing se passe egalement bien. PC respiratoire, posture et les 1100m de D+ sont avalés. J'arrive à Estaing sans avoir vu son lac à cause de ce brouillard ambiant (on est dans le nuage en fait!) mais encore une fois, ça nous permet aussi d'avancer sans se poser de questions sur la distance d'ascension ou de descente qu'il reste. Je pense être tjs lucide mais je décide de redormir 25 minutes de plus. Aaah! Le lit de camp 😊. Ça fait du bien qd même ! Et j'ai bien fait parce qu'on a devant nous le col d'Ilehou, sans doute le plus dur du parcours pour moi. On espère 1000de D+ en lacets progressifs mais nooonn! Comme pour Serpolet, un long tout droit interminable dans la bruyère sèche 🙃 . De toute façon, il n'y a pas le choix donc recommençons PC respi, posture, acceptation et bienveillance! Je suis arrivé au refuge d'Ilehou en 3 km/h de moyenne, les cuisses en forme (7000 de D+ déjà fait!!!) et même si la fatigue est présente (elle ne me quitte plus maintenant), je suis lucide et serein.
Je lève la tête, à 2000 m d'altitude, la mer de nuages rentre dans la vallée de Cauterets, un lointain début de lumière matinale (du jaune pale au bleu) se montre, le col de Riou est tout noir en contre jour avec les étoiles qui l'encadrent de partout... c'est un moment suspendu! On approche les 24h de course et à ce moment là j'y crois! L'énergie vitale nous remplit au rythme du soleil qui se lève, d'un seul coup, la fatigue se dissipe, les douleurs diminuent et dans un coin de ma tête, j'y crois! Je peux le faire!
L'arrivée à Cauterets me remet dans ma routine, remplissage des flasques (ah oui j'oubliais, une avec un peu de sirop de grenadine), repos, pastèque et je repars direction deuxième base de vie à Luz.
Après le col de Riou qui se passe bien, dans la descente vers Luz, passage au ravito de Bederet, au milieu des pistes de Luz Ardiden (km 114). La bas, les bénévoles nous apprennent qu'une centaine de coureurs est encore derrière nous et qu'il y a déjà 300 abandons! Wahou! 300! Avec les collègues on se dit"Et on est toujours debout" donc vamos, on continue... pastèque, grenadine, tiens un Tuc, pourquoi pas!
Arrivée à Luz, ma chérie et mon Loulou m'attendent (comme à chaque fois! ❤️). Il est un peu plus de midi (31h de course) il fait chaud, le soleil est de retour. Ça fait du bien de les voir... mentalement je vais bien, dans mon corps je vais bien. C'est bizarre à dire, il y a une fatigue assez extrême qui est là, indegnable, je suis marqué mais je n'ai pas mal.. ça va! Je sais que j'attaque le dernier gros morceau. 34 kms, 2000 de D+. De plus, sans jamais avoir quitté les sentiers pierreux, on retourne vers Neouvielle, viaTournaboup et Hourquette où c'est la terre entre les pierres que l'on cherche!!! Mais toujours focus, étape par étape, direction Tournaboup
J'y arrive vers 15h30, plutôt content de la portion que je viens de faire mais je commence à être vraiment très très très fatigué. Je sais que les 1200 de D+ devant nous sont les plus durs et le moral s'accroche parce que ça va piquer. On se dit que quand on se reverra ce sera soit Merlans soit à Saint Lary mais dans tous les cas, si j'y arrive, ce sera gagné 😊.
L'ascension d'Hourquette Nere est peut être mon pire souvenir. On est à plus de 9000 m de D+, c'est raide, que de la pierre, les cuisses brûlent, il fait chaud, le sommet paraît être à des kms (et oui, pas de brouillard!) donc je vis ma meilleure vie à ce moment là😂. Il me faut 3h10 pour monter les 1200 m qui me sépare du col. Par contre au sommet, tout s'efface! Les lacs de Neouvielle réapparaîssent devant nous. C'est magnifique.. on prend le temps de se marrer avec les bénévoles et puis: rester lucide, prendre son temps, ne pas chuter parce que maintenant c'est l'arrivée qui nous attend.
Du restaurant de Merlans ( Noelise et Gabriel n'ont pas pu être là, je reste 5min pas plus, je veux les retrouver vite)il ne reste que 150m de D+ sur un chemin de piste de ski qui se fait tranquillement mais sans difficulté. On atteint le col du Portet, dernier sommet. Il est plus de 20h30 et à partir de là, il n'y a plus que de la descente sur 13 kms. C'est encore 2h30 d'effort mais au bout c'est le rêve d'être finisher qui me tend les bras donc j'allume la frontale et GO! Comme à mon habitude, je ne cours quasiment pas, je marche rapidement, ce le fait très bien (5-6 km/h). On croise même un troupeau de moutons souriants 😁
La flamme rouge, le long du torrent qui nous emmene jusqu'à la place de Vielle Aure, je n'y crois pas. Cela fait 42 h que l'on a quitté cet endroit, les heures ont défilé sans faire de bruit. déconnecté, je reviens à la réalité quand, après le pont, je vois mon Loulou et ma chérie qui m'attendent la banane jusqu'aux oreilles. Main dans la main, un à gauche et une à droite, on passe la ligne d'arrivée ensemble, comme dans mes rêves d'il y a 2 jours!! Ça y est, je l'ai fait. 170 kms et 10500 D+
je suis ultra trailer.
Aujourd'hui, le sommeil est encore un peu compliqué, comme l'attention au quotidien, (fatigue cumulée) mais physiquement tout va bien. Le sensibilité des pieds et mains est un peu troublée mais ça rentre dans l'ordre. Sur ces 42h de course, j'ai perdu 7kgs. (Je commence à reprendre 👍)
Pour finir, je tiens à vous remercier pour toutes vos attentions pendant ce périple. C'est en découvrant tous vos messages que l'on se rend compte qu'en fait, on est jamais vraiment seul là haut 😊. Merci pour tout 🙏🙏🙏🙏🙏🙏 et à bientôt les chaussures aux pieds
bises