Je raconte mon Trail des Héréthiques (Grand Raid des Cathares)
Publié le 28 octobre 2024 par Paulo BARREIRA
Après un sommeil débuté à 1h00, faute de réussir à me détendre, je me réveille d’attaque à 3h50 (ce sera un peu tard, car on arrivera 12 minutes avant le top départ !).
Guillaume qui a plus veillé encore que moi, me dit qu’il est tombé des trombes d’eau cette nuit.
Il ne pleut pas au départ de la course, mais la pluie arrive au bout de 15 minutes et nous accompagnera pendant 2h de nuit.
Il n’a pas plu pendant 2 ans, la commune est ravitaillée en citerne d’eau, mais on a la chance d’avoir un terrain bien trempé pendant 63 km !
Avec Guigui (ben oui, on se connaît depuis plus de 10 ans, Run For Fun n’existait pas encore !), on s’avance dans le peloton avant le départ, on se positionne dans le premier tiers, ça correspond à mon objectif de résultat, et Guigui accélèrera rapidement pour trouver la place qu’il mérite.
Je n’ai pas couru de la semaine pour me reposer, j’ai fais une grosse préparation pour être confiant et être dans les meilleures conditions pour prendre du plaisir dans ce trail, et pour conjurer tous mes échecs sur les distances au-delà du marathon.
On est parti, je mets du temps à trouver une allure confortable, faut dire qu’il fait humide et avec 13° et un maillot manche courte, les mains sont très froides.
Suis autour du 100-ème coureur, je trouve une allure confortable, je progresse doucement, double quelques coureurs dans les montées.
Parfois, je suis en galère pour grimper des passages abrupts, le sol en argile est trempé, on voit d’innombrables traces de glissades laissées par les semelles des coureurs précédents, je sais qu’il ne faut pas passer par là, je cherche un chemin de traverse.
Surtout, je n’ai pas de bâton, la majorité des coureurs en portent, je me suis préparé sans, je n’en ai pas et ne pensais pas en avoir besoin, mais sur un terrain glissant ça m’aurait vraiment aidé pour grimper et m’aurait évité de m’enfoncer des épines dans la main en attrapant un arbuste.
J’échange avec un coureur local, il a 60 ans, court depuis 10 ans seulement, il n’aime pas la pluie, il est servi. Je passe devant, je double plusieurs coureurs, je n’ai pas le temps de lui souhaiter une bonne course, on s’éloigne l’un de l’autre.
Au 12 ou 13 -ème km, je reconnais Guillaume devant moi, ce n’est pas normal, jamais je ne rattrape Guillaume. Je pose une question idiote : « Guigui, c’est toi ?! », ensuite j’ai probablement posé une autre question idiote, mais je me rattrape maintenant, « qu’est ce qui t’arrive », et il me dit ce que vous savez, il s’est tordu la cheville. Il court doucement surveille si ça gonfle. On a discuté 30 secondes, il ne veut pas me retenir, je repars à mon allure.
Je suis avec un groupe de coureur depuis un moment, j’ai envie d’aller plus vite mais le terrain ne permet pas de doubler. Arrive une belle descente raide, les autres coureurs y vont avec précaution, j’en profite pour allonger la foulée, j’ai un bon équilibre, je double tout le groupe. Et ensuite, je passe des dizaines de minutes tout seul, il fait encore noir, tout est mouillé.
Le jour se lève, la brume est bien visible. Un jeune me rejoint, j’ai remarqué qu’il avait un supporter très dévoué, il s’était posté à un endroit improbable pour le soutenir et le prendre en photo. J’échange avec lui, en fait, c’est un gamin, il me dit qu’il a triché sur son âge pour participer à la course, il aura 20 ans dans 15 jours. Il a de meilleures jambes que moi, mais il s’arrête toutes les 30 minutes pour pisser ! On arrive à une grande descente raide, je dévale comme un dératé, arrivé en bas je ne l’entends plus, il est resté loin derrière.
Mais je regrette rapidement d’être descendu aussi vite, n’importe quoi, j’ai trop sollicité mes cuisses, je ne suis même pas à la moitié du parcours. Tant pis, je dois tenir et garder une bonne allure.
Un coureur me double à bonne allure, d’où vient-il pour courir aussi bien, serait-il arrivé encore bien plus tard que nous sur la ligne de départ ? Je ne lui ai pas posé la question.
Je vois Elodie, Véro et probablement Caroline à un ravito, le 3-ème je crois, suis content de les voir. Je prends la pause photo avec le drapeau. Ça va Paulo ? me demande Elodie. J’interroge intérieurement mes cuisses, elles manifestent leur douleur et je repense à la descente trop rapide que je regrette une fois de plus. Je réponds à Elodie, j’ai mal aux cuisses mais ça va.
Le ravito est bien achalandé, mais je consomme mes compotes de luxe Baouw (on est prêt à mettre le prix pour éviter l’indigestion et gâcher sa course, j’ai connu). Je n’ai pas l’eau St-Yorre, trop minérale, mais là j’en boit 3 ou 4 verres à chaque ravito, mon corps le réclame.
Le petit jeune me rattrape, on continue la conversation, il a déjà couru un 100 km dans le coin ! Il espère rattraper le 1er de sa catégorie Espoir.
Je sens que j’ai plus de mal à courir les passages plus pentus, tant pis, maintenant je vais les marcher, et puis tant mieux, je me rends compte que ça me repose et je récupère de l’énergie, et peut courir plus vite ensuite sur le plat.
Suis étonné par le nombre de passage dans des sillons creusés dans l’argile, ça fait 40 cm de profondeur, mais souvent ce n’est pas assez large pour laisser ses pieds se poser naturellement à droite et à gauche, je dois courir sur un fil en espérant que le pieds ne dérape pas, parce qu’au fond du sillon c’est la boue et les traces de dérapage de mes prédécesseurs. J’ai vu beaucoup de gamelles, rien de méchant, les chutes sont amorties par la boue. Au moins, je voyais quel passage éviter.
J’ai vidé ma poche d’un litre hydrogel, zut le ravito est encore loin je dois patienter encore quelques kilomètres, c’est le dernier avant l’arrivée. Suis dans le dur, je n’ai plus d’énergie.
Arrivé au ravito du 51ème km (on est filmé) je revois le groupe de filles. Elodie vient vers moi, elle voit que je n’ai pas la pêche, je crois qu’elle m’encourage, mais je n’ai pas assez d’énergie pour prêter attention.
Je prends le temps de boire 1 litre de St-Yorre, manger des quartiers d’orange, mais je n’arrive pas à avaler une banane. Suis rester plusieurs minutes pour remplir ma poche d’eau et reprendre des forces.
Je repars, Elodie me dit qu’elles restent là pour attendre Guillaume, super nouvelle, Guigui n’a pas abandonné !
Tout un groupe a eu le temps de me rattraper et doubler, dont le petit jeune accompagné de 2 autres jeunes coureurs (je ne lui ai jamais demandé son prénom, mais j’apprendrais à l’arrivée qu’il est arrivé 54-ème, donc Hugo est 4ème de sa catégorie, comme moi dans la mienne), il a juste le temps de me narguer en disant : « je pense que j’ai retrouvé un peu d’énergie parce que je suis jeune ! », je n’ai pas l’esprit assez lucide pour lui répondre, mais indéniablement il est plus jeune et pas qu’un peu, 30 ans nous séparent.
L’énergie revient petit à petit, je croise Rémi, suis très content de le voir, il me prend en photo (Hé, je les attends tes photos !), la pêche est revenue mais il reste encore plus de 10 bornes.
Cet élan de fraicheur ne dure pas, et les jambes sont raides. Je me suis amusé à garder l’équilibre sur la boue, c’était rigolo, mais là j’en ai marre de la boue. Je n’ai plus l’agilité du début, à chaque fois que je glisse je dois équilibrer mon corps en écartant les bras mais mes muscles entre les omoplates n’en peuvent plus, ils sont contracturés, ça pique fort, je retiens (ou pas) un gémissement.
Chaque pas est plus risqué et plus douloureux, je dois marcher doucement dans certains passages, au lieu de sauter ou bondir.
Je rejoins un jeune qui est dans le dur, il alterne marche et course lente sur le plat, je l’encourage, il ne reste que 4 km, mais je lui fais part de mon inquiétude, il manque 300m de dénivelé au compteur. Il trouve que ça fait raide sur une si petite distance. Il a raison, il n’y a plus aucune côte, le dénivelé total est amputé de 300 m. Il est vrai qu’on a vu des passages étonnant au travers de massifs d’arbustes qui avaient été terrassé à la tractopelle, il restait quelques centimètres de souches d’arbustes qu’il fallait absolument éviter. Probablement, que l’organisation n’a pas obtenu certaines autorisations pour des portions de parcours, ou terrain impraticable ?
Alléluia, j’aperçois la citadelle ! Il reste environ 1 km, c’est si peu, je suis si prêt du but. Bizarrement, c’est maintenant que j’ai le plus d’encouragement « allez courage ! », j’ose répondre, « la course est presque terminée… ». Mais, c’est vrai qu’il n’y avait pas grand monde avant sur le parcours pour encourager en dehors des ravitos. C’est super de traverser la citadelle, je me mêle aux touristes, mais la traversée est si rapide. En fait, il en manque encore un peu pour la ligne d'arrivée au dôme…
Ça y est j’arrive au dôme, je n’entends pas mon nom, à part de la bouche de l’animateur qui m’accueille en levant la main pour la taper (c’est filmé). Elodie arrivera 15 minutes plus tard pour prendre ma tête fatiguée mais fière en photo.
On me remet la médaille et on me félicité sincèrement d’arriver aussi propre. Je m’épate moi-même, j’ai eu l’occasion 30 000 fois de me casser la gueule et je suis toujours rester debout.
Mais, je resterai 30 minutes assis à boire du St-yorre et des soupes pour reprendre des forces avant de prendre une douche presque chaude bien méritée.
Je peux ensuite attendre mes camarades qui finiront tous leur course avec au moins autant de mérite que moi car certaines étaient blessées ou sortait de blessure sans avoir presque pas couru, ou encore n’avait pas trouvé le temps de préparer son 100 km…
Le lien vers les détails de ma course : https://grcathares.v3.livetrail.net/fr/2024/runners/2173?raceId=TH
PS: j’ai certainement laissé pleins de fautes, je vous prie de m’excuser.